Elsevier

Sexologies

Volume 24, Issue 1, January–March 2015, Pages 25-28
Sexologies

Article original
Limites des données autorapportées sur les comportements sexuels des adolescentsLimitations of self-assessments on adolescent sexual behaviors

https://doi.org/10.1016/j.sexol.2014.06.001Get rights and content

Résumé

La recherche sur des sujets sensibles comme la sexualité est sujette à divers biais liés aux caractéristiques des participants (ex. âge, genre, croyances au sujet de la sexualité, etc.), aux instruments de mesure utilisés (ex. journal de bord, questionnaire, entrevue, examen biologique), ainsi qu’à la formulation, l’interprétation et la spécificité des comportements évalués. Bien que typique et plutôt inévitable pour évaluer les comportements sexuels, le recours aux instruments autorapportés comporte son lot de défis méthodologiques et de critiques, en plus de soulever des questions additionnelles de validité et d’éthique lorsqu’ils s’adressent à des personnes mineures. La plupart des chercheurs conviennent qu’il serait souhaitable de prendre en considération les biais issus des fausses déclarations, mais très peu d’alternatives sont disponibles. De plus, la majorité des études sur la sexualité des adolescents utilise des devis de recherches transversaux et rétrospectifs. De telles recherches sont sujettes aux difficultés de rappel et aux reconstructions mnésiques des événements a posteriori, surtout lorsque l’intervalle de temps écoulé entre l’événement et son rappel est important. Les rares études longitudinales observent qu’une proportion importante de participants rapporte des données incohérentes quant à l’occurrence et à l’âge de la première relation sexuelle, ce qui soulève des questionnements sur la justesse et la validité de certaines connaissances que nous croyons détenir sur les comportements sexuels des adolescents.

Summary

Research on sensitive topics like sexuality is subject to diverse biases related to the characteristics of the participants (i.e. age, gender, beliefs about sexuality, etc.), the measurement selected (i.e. diary, questionnaire, interview, biological tests), and the wording, interpretation and specificity of the behaviors assessed. Although typical and quite inevitable in the field of sexual behaviors, the use of self-report assessments has its load of methodological challenges and critiques, and raises additional validity and ethical questions when used with minor participants. Most scholars agree that researchers should account for biases stemming from misreporting on sensitive information such as sex among young people, but very few alternatives for doing so are available. In fact, most studies have used retrospective cross-sectional designs, which have led to additional accuracy concerns, increasingly problematic as the length of the time period between the sexual event and the assessment expands. The rare longitudinal studies on sexual behaviors have found an impressive proportion of participants reporting inconsistent data both for the occurrence of sexual behaviors as well as for their age at first time, thus raising issues about the accuracy and validity of some of the knowledge on adolescent sexual behavior we claim from the current literature.

Section snippets

Les mesures autorapportées

À cause de la nature sensible du sujet, toute recherche dont la sexualité constitue l’objet d’étude est inévitablement confrontée à des défis conceptuels, méthodologiques, scientifiques et déontologiques. Toutefois, lorsqu’il s’agit de la sexualité de personnes mineures, les enjeux sont encore plus nombreux, soulevant des questions éthiques et morales, mais également parfois des passions et des controverses. Par exemple, l’utilisation de données autorapportées est typique dans le domaine de la

Les mesures biologiques

Bien qu’il semble idéal, en théorie, de corroborer les données autorapportés avec des indicateurs biochimiques, comme c’est le cas dans d’autres domaines, leur utilisation dans le champ de la sexualité est problématique à plusieurs égards. D’abord, aucun test biologique ou chimique ne permet de détecter totalement les traces de relations sexuelles. L’examen de l’hymen, par exemple, est un indicateur imparfait puisqu’il concerne uniquement les filles, que l’hymen peut être rompu avant le premier

L’interprétation des questions

Pour étudier la sexualité des adolescents au moyen de questionnaires, la formulation de questions précises et spécifiques est cruciale pour minimiser les possibilités d’interprétation. En effet, la nature même de ce qui constitue une relation sexuelle n’est pas consensuelle auprès des jeunes (Fantasia et al., 2011). Par exemple, plusieurs jeunes ne considèrent pas le sexe oral comme une relation sexuelle, bien que les échanges buccogénitaux soient aussi fréquents sinon plus que la pénétration

Le consentement

Pour la plupart des études portant sur la sexualité des mineurs, l’obtention du consentement parental est exigée par les comités éthiques des instituts de recherche, surtout pour les adolescents âgés de 15 ans ou moins. Or, lorsqu’un consentement actif des parents est demandé, certains adolescents choisiront de ne pas participer. Dans la plupart des cas, ce sont les jeunes cumulant plusieurs expériences sexuelles qui refuseront de participer pour préserver leur intimité et leurs secrets–surtout

Devis transversal versus longitudinal

La majorité des études sur la sexualité des adolescents recourant aux mesures autorapportées sont transversales, et, la plupart du temps, rétrospectives (Bajos et al., 2008). Ces études comportent des limites importantes–comme la reconstruction des faits et l’oubli de certains événements–qui menacent la justesse et la validité des informations rapportées a posteriori par les participants (Langille et Curtis, 2002). Les rares études longitudinales ont observé une proportion importante de

Les caractéristiques des participants

En plus des questions de représentativité échantillonnale soulevées plus tôt, des travaux récents ont permis d’identifier les participants les plus susceptibles de rapporter des informations incohérentes sur leur sexualité. Il s’agit des individus de sexe masculin, jeunes, peu motivés, ayant des difficultés de lecture, de compréhension ou de mémoire, ou de consommation de substances psychoactives (Beguy et al., 2009 ; Palen et al., 2008). Ainsi le retrait de ces participants biaise

La théorie de la dissonance cognitive

La théorie de la dissonance cognitive permet d’expliquer en partie les incohérences observées dans les données intraindividuelles d’un temps de mesure à l’autre. Cette théorie stipule que les individus sont plus susceptibles de modifier leurs attitudes et leurs croyances lorsqu’une divergence se produit entre leurs croyances et leurs comportements. Par exemple, les jeunes qui endossent la virginité comme valeur personnelle, mais dont la première relation sexuelle arrive plus tôt que prévu,

Conclusion

En somme, malgré les limites des mesures autorapportées, les études par questionnaires demeurent la norme pour examiner les comportements sexuels des adolescents. De plus, les mesures répétées permettent de contrer certaines des limites inhérentes aux données autoévaluées. Les devis prospectifs débutant à l’enfance, par exemple, offrent l’avantage d’un échantillon de départ vierge minimisant ainsi les erreurs de rappel, mais les coûts de telles études de même que l’attrition sont souvent très

Références (19)

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Cited by (11)

  • Early Sexual Onset and Alcohol Use and Misuse From Adolescence Into Young Adulthood

    2017, Journal of Adolescent Health
    Citation Excerpt :

    All these effects were observed while controlling for the levels of alcohol use, antisocial behavior, pubertal maturation, and parental monitoring at age 12 or 14 years. Consistent with previous empirical evidence (e.g., [13,16]), early FHI was associated with alcohol use in adolescence: youth who experienced their FHI at age 14 years or earlier exhibited a higher frequency of alcohol use at 16 years old than their “on-time” peers, regardless of levels of pubertal maturation, antisocial behavior, and parental monitoring. While the mechanisms explaining the association between early FHI and higher alcohol use at age 16 years are not fully understood, this result adds to previous evidence suggesting negatives consequences related to experiencing an off-time transition.

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