Elsevier

L'Encéphale

Volume 38, Issue 2, April 2012, Pages 170-178
L'Encéphale

Thérapeutique
Personnalité dépendante et dépendance affective : stratégies psychothérapeutiquesDependent patient and interpersonal dependency: Psychotherapeutic strategies

https://doi.org/10.1016/j.encep.2011.08.006Get rights and content

Résumé

Cet article propose de faire le point sur les approches psychothérapeutiques chez les patients souffrant de personnalité dépendante et de dépendance relationnelle pathologique. Nous mettons en exergue les psychothérapies ayant fait l’objet d’une évaluation. La recherche évaluative sur le sujet est pauvre : seules huit études permettent d’évaluer des psychothérapies dans cette indication en 2005. Nous abordons les thérapies d’inspiration analytique, les psychothérapies comportementales, cognitives, humanistes et systémiques brèves. Nous considérons la dépendance comme étant une façon de s’adapter, de compenser une estime de soi altérée. En ce sens, la psychothérapie devra également s’attacher à restaurer l’estime de soi. L’évaluation du type de dépendance aiguille l’approche thérapeutique. Il faut rechercher les comorbidités et leur apparition dans le temps par rapport à la dépendance. Ainsi, la dépendance primaire, « héritée de l’enfance », précède les autres troubles psychiques. Dans cette situation, la thérapie se centre principalement sur l’estime de soi. La dépendance secondaire fait suite à un événement altérant l’estime de soi, comme une maladie mentale par exemple. Dans cette situation, outre le fait de favoriser la rémission de la maladie mentale, la thérapie visera l’accompagnement du patient vers l’autonomie et le « rétablissement ».

Summary

Objectives

This article is a review of psychotherapies for patients suffering from dependent personality and interpersonal dependency.

Method

We synthesized articles making reference to this question, notably those written by Bornstein, author who refers to the dependent personality. We highlighted the psychotherapies that have been the object of an evaluation. The research on the subject is sparse: only eight studies permitting assessment of psychotherapies in this indication in 2005. Besides these psychotherapies, we detailed other approaches which are used by practitioners in these indications.

Results

The therapy does not aim at autonomy “at all costs”, but that the patient finds a dependence “adapted” to his/her environment. Before starting a therapy, an evaluation is useful to specify the type of dependence. First of all, is there a “pathological” dependence? Is the suffering of the patient secondary to his personality or not supportive enough? Does insight exist? What is the reaction of the patient if we suggest the hypothesis of a dependence on his/her part? Does he/she consider this idea or reject it? Finally, is the dependence primary or secondary? For that purpose, it is necessary to study the biography of the patient and the appearance of the comorbidity over time. The primary dependence is seen in childhood and precedes the other psychological disorders. The secondary dependence follows after the comorbidity and events of life that alter self-esteem (depression, for example). Various therapeutic strategies arise from various currents. The therapies of analytical inspiration recommend replaying the relationship of object and explicitly evoking the transfer. The behavioural and cognitive psychotherapies aim at making the patient identify the cognitions which underlie the dependence, then leading the patient to modify his/her cognition and to behave in a more autonomous way, using the theory of learning. The humanist therapies aim at a therapeutic relationship of acceptance and respect for the patient, so that he/she increases self-esteem and finds autonomy. The brief systemic therapy develops tools to deviate from the relationship of dependence in the therapy. It aims at the change through a modification in the beliefs of the patient. The dependence can be envisaged as a way of adapting itself, of compensating for altered self-esteem. In this way, the psychotherapy must also attempt to restore self-esteem in an implicit or explicit way.

Conclusion

The evaluation of the type of dependence helps the therapeutic approach. It is necessary to look for the comorbidity and its appearance over time with regard to the dependence. So, in primary dependence, the therapy focuses on the increase of self-esteem. In the secondary dependence, the therapy focuses on the adaptation to this event, the treatment of the mental illness, and then to the accompaniment in restoring and autonomy. If the patient doesn’t have insight, it is necessary either to enhance it, or to work in an indirect way.

Introduction

Cet article propose une synthèse sur les approches psychothérapeutiques dans les problématiques de personnalité dépendante et de dépendance relationnelle (affective). L’objectif du traitement des patients souffrant de dépendance n’est pas une autonomie « à tout prix », mais vise à retrouver une dépendance adaptée lui permettant de moins souffrir dans son environnement.

Le plus souvent, les patients dépendants se sentent mieux et rassurés par leur suivi et imaginent difficilement une rupture de la relation thérapeutique. Si le patient se sent mieux dans un suivi « au long cours », pourquoi ne pas l’accepter ? Parce que premièrement sur les plans éthique et déontologique, la question de la privation de liberté du patient qui reste sous l’influence forte du thérapeute est problématique. Ensuite, sur ce même plan, l’objectif de tout thérapeute n’est-il pas de viser l’autonomie du patient ? Enfin, parce que le psychiatre qui accepte une dépendance au long cours de ces patients n’a progressivement plus de temps pour rencontrer de « nouveaux patients », tant il est accaparé par sa clientèle de « dépendants chroniques ».

Section snippets

Du normal au pathologique

Chaque personne est plus ou moins dépendante sans que cela soit « pathologique ». Aussi, pour un même individu, la dépendance à l’autre fluctue au cours de sa vie. En proie aux souffrances de l’existence, les individus adultes recherchent à nouveau une figure d’attachement pour se reconstruire. Dans chaque situation, la question suivante devra toujours être posée : la personne qui souffre en demande-t-elle trop à son entourage ou est-ce son entourage qui n’est pas assez étayant ? En période de

Évaluation préalable à la psychothérapie : dépendance consciente ou inconsciente/primaire ou secondaire

Une évaluation est utile avant d’engager la thérapie d’un patient dépendant.

Causes de la dépendance primaire

Les causes de la dépendance primaire pathologique se retrouvent dans l’interaction entre le ressenti de la personne et son environnement dans le passé. On peut parler d’altération de l’estime de soi « héritée du passé ou de l’enfance ». C’est dans les interactions avec son entourage, dans l’enfance le plus souvent, que se construit ce qui s’exprimera par une psychopathologie de type attachement/abandonnique ou dépendance/incompétence à l’âge adulte. Mais déjà dans l’enfance de la personne, on

Orientations de la thérapie

Si de nombreux articles évoquent les psychothérapies adaptées aux patients dépendants, en revanche l’évaluation scientifique est pauvre. Seules huit études contrôlées étaient relevées en 2005 [10]. Deux d’entre-elles montrent des résultats positifs : celle d’Alexander et Abeles axée sur la prise de conscience en 1968 [2] et celle de Rathus et al. axée sur le travail cognitif en 1995 [34]. De ce bilan, aucun type de psychothérapie ne s’est vraiment imposé comme étant le traitement de choix des

Conclusion

Au-delà des diverses stratégies thérapeutiques se dégagent des éléments consensuels : il convient d’évaluer le type de dépendance. Il faut différencier la dépendance primaire et secondaire et savoir si la dépendance est consciente ou pas pour le patient.

Les stratégies thérapeutiques divergent par moment : tout d’abord, la dépendance au thérapeute doit-elle être acceptée dans un premier temps (thérapie analytique et Winnicott) ou combattue (thérapie brève systémique) ? Ensuite, si le patient n’a

Déclaration d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références (47)

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    • Comparison of the Big Five personality traits in fibromyalgia and other rheumatic diseases

      2017, Joint Bone Spine
      Citation Excerpt :

      This may be a way of adaptation, of compensating for poor self-esteem and emotional insecurity. FM patients deliberately refrain from dealing with stressful situations and look for someone who can reassure them [37]. In the case of long-term therapeutic care, caregivers may thus be important resource people.

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