Psychiatrie légaleImpact des troubles mentaux sur la qualité de vie perçue par des patients issus d’un hôpital psychiatrique sécuritaireThe impact of mental disorders on quality of life perceived by patients discharged from a security psychiatric hospital☆
Introduction
L’hétérogénéité des origines relatives aux fondements philosophiques, sociaux, politiques et médicaux du concept de qualité de vie favorise son évaluation globale tout en se situant au plus près de la réalité perçue par les individus. L’Organisation mondiale de la santé a défini le concept de qualité de vie liée à la santé en tenant compte des aspects objectifs et subjectifs qu’il comporte. La qualité de vie est donc définie comme :
La perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. C’est un concept complexe, largement influencé par la santé physique du sujet, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales ainsi que sa relation aux éléments essentiels de son environnement [22].
L’intérêt pour l’évaluation de la qualité de vie dans le champ de la psychiatrie est grandissant depuis une vingtaine d’années [48]. De nombreuses études ont évalué l’impact des troubles mentaux majeurs sur la qualité de la vie perçue par les patients [3], [7], [8], [29], [36], [47], [61]. De ces dernières, il ressort que les patients schizophrènes, anxieux et dépressifs péjorent leur qualité de vie comparativement aux personnes appartenant à la population générale [4], [9], [10], [15], [17], [18], [20], [24], [25], [26], [27], [28], [31], [41], [49], [50], [51], [57], [58], [59]. Leur qualité de vie est négativement associée à la chronicité de la pathologie et à la sévérité des symptômes [18], particulièrement les symptômes négatifs en ce qui concerne les patients schizophrènes [38]. Cependant, Chambon et al. [12] ne manquent pas de souligner qu’il est souvent surprenant de voir à quel point ces patients sont satisfaits de leur vie. Grâce à leurs mécanismes de défense tels que les idées délirantes mégalomaniaques, les patients évitent de se confronter aux principaux défis existentiels et se protégent de certains facteurs de stress. Par conséquent, il semble que ce soit particulièrement l’anxiété et la dépression qui soient associées à une mauvaise qualité de vie perçue par les patients schizophrènes [16], [23]. Comme pour la schizophrénie, la présence d’un trouble dépressif majeur associée au trouble obsessionnel-compulsif est prédicteur d’une qualité de vie plus pauvre comparativement aux patients dépourvus de cette comorbidité [32]. L’évaluation de la qualité de vie est une mesure systématiquement reprise dans le domaine des essais cliniques pour valider l’efficacité des thérapies. Les auteurs insistent sur l’efficacité des pharmacothérapies et/ou des psychothérapies afin de réduire la symptomatologie et d’améliorer la perception de la qualité de vie des patients [9], [14], [39], [59].
En revanche, les études contrôlées relatives à l’évaluation de la qualité de vie de patients atteints de troubles de la personnalité sont très réduites. Elles révèlent l’influence négative des troubles de la personnalité sur la qualité de vie perçue par les patients [33], [34], [53]. Il semble que ce lien soit encore plus fort si les personnes présentent plusieurs troubles de la personnalité [13].
À ce jour, trop peu de recherches portent encore sur l’évaluation de la qualité de vie auprès d’une population délinquante présentant des troubles mentaux [43], [54]. Nous avons par ailleurs insisté sur la nécessité de développer ces études dans une perspective éthique, clinique, thérapeutique et criminologique afin d’enrichir le champ de la psychiatrie légale [45]. Walker et Gudjonsson [55] ont comparé la qualité de vie perçue par des délinquants internés dans un établissement psychiatrique sécuritaire aux données, obtenues par Oliver et al. [37], concernant la qualité de vie perçue par une population de psychiatrie générale. Les résultats montrent que la qualité de vie globale, évaluée à l’aide du Lancashire quality of life profile, des délinquants n’est pas différente de celle des patients issus de psychiatrie générale. Cependant, les délinquants présentant des troubles mentaux perçoivent plus négativement leur mode de vie, leur sécurité, leur situation légale et leur santé. Ces auteurs ont également mis en évidence que les relations sociales des délinquants présentant des troubles mentaux sont significativement mieux perçues que celles des patients issus de psychiatrie générale. Swinton et al. [53] ont évalué la qualité de vie avec le même outil que les auteurs précédents, chez 47 patients schizophrènes et 48 patients présentant un trouble de la personnalité, issus d’un hôpital psychiatrique sécuritaire. Les résultats montrent que les patients atteints d’un trouble de la personnalité estiment avoir une moins bonne qualité de vie objective et subjective comparativement aux personnes schizophrènes vivant dans les mêmes conditions environnementales.
Notre recherche se donne pour objectif d’étudier l’impact des troubles mentaux majeurs et de la personnalité sur la qualité de vie de délinquants internés dans un hôpital psychiatrique sécuritaire. La comorbidité, c’est-à-dire la présence simultanée de deux ou plusieurs diagnostics apparaissant chez une même personne, est une caractéristique clinique courante dans la population de défense sociale [40] dont l’impact sur la qualité de vie sera analysé.
Section snippets
Institution
L’établissement de défense sociale Les Marronniers, située à Tournai en Belgique, est un hôpital psychiatrique sécuritaire qui prend en charge 340 délinquants présentant pour la plupart des troubles psychiatriques. Ils sont hospitalisés dans le cadre de la loi de défense sociale qui prévoit l’internement des personnes ayant commis un délit si elles sont reconnues incapables du contrôle de leurs actes de par leur(s) trouble(s) psychiatrique(s). Sa principale mission est d’assurer le suivi
Analyse descriptive
Les patients de défense sociale estiment avoir une qualité de vie globalement moyenne avec un score total au WHOQOL-bref proche de 60 sur 120 (Tableau 4). Les comparaisons entre les domaines du WHOQOL-bref suggèrent que les participants estiment avoir une meilleure santé physique comparativement à la perception qu’ils ont de leur santé psychologique (W = 5,76 ; p < 0,0001), de leur environnement (W = 6,68 ; p < 0,0001) et de leurs relations sociales (W = 6,85 ; p < 0,0001). Le score total au WHOQOL-bref et
Discussion
Cette étude avait pour objectif d’évaluer l’impact des troubles mentaux majeurs et de la personnalité sur la qualité de vie perçue par 72 patients internés dans un hôpital psychiatrique sécuritaire. Les données de la littérature dans le champ de la psychiatrie générale révèlent que les patients schizophrènes, dépressifs et anxieux péjorent leur qualité de vie comparativement aux personnes appartenant à la population générale [4], [9], [10], [15], [17], [18], [20], [24], [25], [26], [27], [28],
Conclusion
Cette étude évaluait l’impact des troubles mentaux sur la qualité de vie perçue par les patients internés dans un hôpital psychiatrique sécuritaire. Les résultats de cette étude nous encouragent à considérer les troubles de la personnalité associés ou non aux troubles mentaux majeurs. À l’instar des résultats obtenus concernant les troubles de la personnalité narcissique et antisociale, nous évaluerons, lors d’une prochaine étude, l’impact de la psychopathie sur leur qualité de vie perçue au
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Cet article a été réalisé avec le soutien du ministère de la région wallonne, santé et affaire sociale, CRDS, 94, rue Despars, 7500 Tournai, Belgique. Les auteurs remercient Christian Réveillère, Claire Ducro et Laurence Willocq pour leurs commentaires.